Une typologie des dispositifs digital-learning

Selon la Communauté Européenne, « le e-Learning est l’utilisation des nouvelles technologies multimédias et de l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant l’accès à des ressources et des services, ainsi que des échanges et la collaboration à distance »[1].

Pour compléter cette définition, trop large et imprécise, nous nous appuyons sur les travaux menés par F.HAEWV[2] à l’initiative de la Direction de la Technologie de l’Education nationale, que nous avons remanié pour plus de visibilité et surtout, pour intégrer les modalités les plus récentes.

Modèle n°1 : e-learning intégral

intégralConcrètement le e-learning intégral consiste à mettre à la disposition des apprenants  de multiples ressources qu’ils utilisent exclusivement en ligne pour atteindre les objectifs de leur formation prédéterminés et organisés sous la forme de parcours plus ou moins individualisés.

Parmi les ressources possibles, on trouve des documents numérisés, des didacticiels ou « modules e-learning », des simulateurs ou bien encore des serious games[3] comme par exemple « Diagnostic En Urgences », destiné à former les étudiants en médecine de deuxième cycle. L’objectif visé par cette formation est d’aborder et de consolider le raisonnement clinique en proposant aux étudiants des situations proches de la réalité où des patients entrent au service d’urgences et de réanimation d’un hôpital[4].

Ce modèle de e-learning intégral peut tendre soit vers une logique de solo-formation, c’est-à-dire sans accompagnement, bien que ce format disparaisse, soit vers une logique d’autoformation accompagnée, c’est-à-dire où les activités d’apprentissage en ligne sont accompagnées de l’appui méthodologique, conceptuel voire même affectif d’un tuteur distant.

Modèle n°2 : présentiel augmenté

augmentéLe modèle « présentiel augmenté » consiste à ajouter en amont ou en aval, de façon plus ou moins articulée, des phases de formation à distance, asynchrones, à une formation essentiellement réalisée en présentiel, synchrone. Ce type de dispositif, qui concatène e-learning et présentiel, est une réponse naturelle aux besoins exprimés par les organisations professionnelles, entreprises et opérateurs de formation ; besoins d’étoffer une offre, d’innover, de réduire les coûts, d’améliorer la qualité de l’offre, d’enrichir une stratégie de communication, de faciliter l’intégration de moments de formation dans l’organisation professionnelle ou personnelle des participants, etc.

Modèle n°3 : e-learning enrichi

enrichiLe e-learning enrichi de moments de regroupement est quant à lui essentiellement une réponse aux besoins exprimés par les populations formées ; besoin de socialisation directe pour contrer le sentiment d’isolement, distinguer de façon plus factuelle les temps de l’activité professionnelle ou personnelle aux temps de l’activité de formation.

Modèle n°4 : blended-learning

blended

Contrairement aux modèles précédents, où les temps de formations e-learning se superposent simplement aux cours en classe, le blended-learning conjugue intimement ces deux moments ; d’une part en enrichissant le présentiel par l’usage de matériels informatiques (tableaux blancs interactifs, tablettes, ordinateurs), d’outils Internet (wiki, réseaux sociaux, twitter), de ressources numériques (vidéos, présentations commentées, Screencast, Podcasts, modules e-learning), et d’autre part en offrant aux participants un ensemble de modalités de formation qu’ils choisissent, ordonnent, voire élaborent avec l’aide du formateur individuellement ou collectivement.

Dans ce modèle de formation, on peut véritablement parler de formations multimodales[5]. Elles permettent non seulement l’individualisation de la formation (parcours personnel d’apprentissage) mais aussi la personnalisation de la formation (modalité pédagogique différenciée) : « on dira qu’une formation est multimodale quand elle permet de prendre des chemins différenciés pour passer d’une connaissance A à une connaissance B. Les chemins différenciés dont il s’agit sont une combinaison :

  • de moments passés en centre de formation,
  • de cours disponibles en ligne, à partir de n’importe quel lieu et moment,
  • d’apprentissages s’appuyant sur des ressources et supports numériques ou papier,
  • d’apprentissages s’appuyant sur une équipe pédagogique et des échanges entre participants.

Le dispositif d’apprentissage multimodal peut donc être très différent selon l’apprenant en fonction de ses acquis préalables, de sa possibilité d’être présent régulièrement dans le centre de formation ou non ainsi que de ses préférences cognitives. »

Selon S.Bellier[6], « le blended-learning apporte aux formations en présence des gains de temps et d’autonomie complètement nouveaux. Il permet ainsi de repenser la répartition des temps de formation pour maximiser l’efficacité du présentiel par le biais d’autres activités que didactiques comme des études de cas, des mises en situation simulées, des projets à réaliser en équipe… ». Cette nouvelle pratique de formation nommée « classe inversée » [7] ou « flipped classrooms », centre donc l’accompagnement présentielle sur les besoins de chacun.

Aujourd’hui, les formations mixes sont une tendance de fond. Selon le baromètre AFINEF, le mode mixte (alternance de formation en salle et d’activité en lignes) est largement plébiscité : « Parmi les tendances, 90 % des entreprises interrogées sont tout à fait d’accord ou plutôt d’accord pour combiner le recours au e-learning à plus de e-learning tutoré, plus de cours en face à face intégrant des outils numériques, plus de formations mixtes et à une plus grande utilisation des outils de formation collaboratifs ».

Modèle n° 5 : e-learning 2.0 ou social-learning

socialL’évolution du e-Learning en e-Learning 2.0 est concomitante à l’évolution du réseau Internet[8] lui-même. D’une formation à distance essentiellement transmissive, on tend vers une formation à distance présentant un volet social et collaboratif fort. Les technologies les plus significatives de ce changement de paradigme, de l’Internet distributif à l’Internet contributif, sont le blogs, les wiki, les forums d’échange, les plateformes de diffusion de vidéos et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn…).

Sur le plan de la pédagogie, le e-Learning 2.0 vise à renforcer l’efficacité de la formation en s’appuyant sur le concept du conflit socio cognitif[9] et de la théorie de l’apprentissage socioconstructiviste élaborée par L.Vygotsky[10] pour qui « l’acquisition de connaissances durables est favorisée par la prise en compte du champ social dans laquelle elle est située ».

Il s’agit de recréer, par l’usage des technologies de la communication, des groupes d’apprenants et d’en tirer les effets bénéfiques pour l’apprentissage. Concrètement, le e-learning 2.0 se traduit par une utilisation étendue de « social-games », de réseaux sociaux ou encore de cMOOC :

  • les social-games : issue de l’hybridation des learning-games et des réseaux sociaux, ces jeux en réseaux visent à exploiter en formation les codes des jeux diffusés sur les plateformes collaboratives, ou l’on gagne par exemple des « points de notoriété » chaque fois qu’une information déposée est reprise par un autre joueur. Le système de jeux comprend les fonctionnalités sociales en usage sur les réseaux : opposition, palmarès, équipes, statut, possibilité d’afficher ses performances sur son mur Facebook, etc..
  • les MOOC (Massive Open Online Course :  Il s’agit de cours en ligne, ouverts à tous, sans condition d’inscription, lancés initialement par les universités américaines en 2011. Les participants, enseignants, experts et élèves, sont dispersés géographiquement et communiquent uniquement par Internet. Les étudiants utilisent des ressources éducatives, libres de droit, déposées par les enseignants. Le qualificatif « massif » est lié au grand nombre de participants.

Il faut distinguer les xMOOC des cMOOC[11]. Dans les xMOOC, les interactions avec l’équipe pédagogique ou les autres étudiants sont faibles. Nous sommes très proche du modèle n°1 de cette typologie (e-learning intégral). Le modèle économique repose sur la gratuité des cours avec une « certification » payante. Au contraire, les cMOOC, c’est-à-dire les MOOC connectivistes, sont basés sur le principe de l’interaction entre apprenants qui créent, dans une large mesure, le contenu. Selon Christine Vaufrey, de Thot Cursus[12] « la caractéristique essentielle d’un cMOOC tient au mode de construction des connaissances que ce format de cours encourage : ces savoirs et savoir-faire naissent principalement de l’interaction entre les participants au cours, entre les participants et les ressources mises à leur disposition, repérées ou produites par eux, entre les participants et les facilitateurs. Il s’agit là d’une conception de l’apprentissage centrée sur l’apprenant. Ce qui signifie que ce dernier est le principal, pour ne pas dire le seul, responsable de ses apprentissages ; de leur quantité, de leur forme, de leur utilisation. »

Récapitulatif de la typologie proposée

Les dispositifs e-learning


[1] Communauté Européenne, 23/03/2001, Plan d’action e-Learning, Document de travail des services de la commission.

[2] Haeuw F. (2004). Competice, outil de pilotage des projets TICE par les compétences, Algora

[3] Un Serious game est un logiciel qui combine une intention pédagogique « sérieuse » avec des ressorts ludiques du jeu.

[4]Ludomedic, (plateforme médicale vidéo-ludique) : http://www.ludomedic.com/index.php?option=com_ludomedic&view=trip&id=10&Itemid=185

[5] http://www.communotic.fr/index.php/bas-decouvrir-multimodalite

[6] S.BELLIER, (2001), Le E-Learning, Ed Liaisons.

[7] La classe inversée (ou flipped classroom) est une approche pédagogique qui inverse les moments traditionnels de l’enseignement : « cours en classe suivi d’exercices à la maison » à « consultation préalable de ressources à la maison suivi de travaux pratiques en classe »

[8] Thierry Nbaeth, chercheur à l’INSAED, Jérôme Coignard (CROSSKNOWLEDGE), Philippe Lacroix (DEMOS E-Learning industry), Conférence du salon Ilearning Solutions RH du 11/03/2010

[9] Le conflit socio cognitif : http://www.blog-formation-entreprise.fr/?p=4259

[10] L .VYGOTSKI, (1934), Langage et pensée, trad. La Dispute, (1998)

[11] Les MOOC : http://orientation.blog.lemonde.fr/2013/03/24/un-mooc-cest-quoi-au-juste/

[12] http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/18180/mooc-mode-emploi/

[13] http://mooc-francophone.com/mooc-impact-de-la-decision-sur-la-sante-et-la-securite-au-travail/